Au début des années 1990, Sega se fait très présent dans le paysage vidéoludique mondial. Damant peu à peu le pion à Nintendo, son éternel rival, il n'y a guère que le son pays natal, le territoire nippon, où Sega n'arrive pas à gagner du terrain.
Sa Megadrive connaît une excellente notoriété. De là commence une période plutôt houleuse où la firme sortira un grand nombre d'accessoires pour sa console fétiche, ainsi que de nombreuses versions recarrossées. On aura ainsi de quoi ravir tout collectionneur qui se respecte, avec le MegaCD, le Multimega (un MegaCD et une Megadrive couplées en version portable), la Nomad (version portable de la Megadrive avec écran intégré), et de nombreux combos Megadrive / MegaCD comme le X'Eye ou le Wondermega. Dans toutes ces versions, les joueurs ont tendance à se perdre quelque peu, et il est temps pour Sega de donner naissance à un réel successeur à la Megadrive.

C'est toujours Hideki Sato et son équipe de 27 ingénieurs qui est chargé du projet de cette nouvelle console, lancé en 1992. Le cahier des charges prévoit une machine aux capacités 2D surpuissantes, avec l'adjonction de capacités 3D assez réduites, pour des raisons de coûts de composants très élevés. La Gigadrive garde son port cartouche, pour permettre une transition plus aisée. Reste que son media principal sera le CD-Rom, qui propose un coût de production très faible et des capacités de stockage à la mesure de la machine.
1993 voit la naissance de la 3D0. Un peu plus tard arrive la Jaguar d'Atari sur le marché. Sega reste confiant. Contrairement à ces deux autres concurrents, il dispose d'une image de marque extrêmement forte chez les consommateurs. Beaucoup parlent d'ailleurs de 'Maître Sega', preuve que les campagnes publicitaires sévèrement burnées et tutoyant la mégalomanie ont porté leur fruits.
Reste qu'un nouveau venu fait de l'ombre sur le soleil de cette nouvelle génération : Sony et sa Play-Station s'avère être un adversaire bien plus important que les autres.

La Saturn de Sega, dans son deuxième modèle, avec les boutons ronds.
La Saturn de Sega, dans son deuxième modèle, avec les boutons ronds.

Le projet avance, et le nom définitif de la console est officialisé : ce sera Saturn. D'autres projets sont en cours de développement, dont l'autre principal a pour nom Mars. Cela donnera naissance au 32X. Saturn est développé par les équipes japonaises de Sega, tandis que Mars est développé par les équipe de Sega of America, avec des contraintes de temps beaucoup plus corsées. En effet, la 32X doit sortir avant la Satun, ce qui se fera finalement, mais dans des conditions totalement catastrophiques. Par exemple, la machine sort sur le marché sans jeu ! Il faudra attendre quelques jours avant que ces derniers ne pointent le bout de leur boite sur les étals des magasins spécialisés. Un comble ! Devant une telle sortie à l'arrache, on peut imaginer que Hayao Nakayama, le président Sega, désire alors lancer cette nouvelle machine pour faire attendre la réelle nouvelle plate-forme de la marque. Un choix qui paraît abérant, mais lorsque l'on sait que quelques mois seulement après la sortie de la Saturn, la 32X est abandonnée, cela donne tout de même à réfléchir...
Un troisième projet est aussi développé en parallèle. Du nom de Neptune, ce dernier devait donner naissance à un combo Megadrive, MegaCD et 32X. Il ne verra jamais je jour.
On peut se demander pourquoi les noms de projets sont des noms de planètes, et pourquoi la Saturn a été baptisée ainsi. Certains avancent que le nom viendra de la mythologie grecque, où Saturn est le chef des Titans qui ont osé défier les dieux. D'autres pensent que les anneaux autour de la planète Saturn peuvent rappeler les CD-Rom. A chacun de se faire son opinion.

Sony annonce les spécifications de sa console le premier, baissant de pas mal de degrés le moral des gens de chez Sega : la Playstation est bien plus puissante que le projet interne ! Les objectifs changent : la console doit être aussi puissante voir plus que la concurrence, mais la date de sortie reste fixée pour la fin de l'année 1994. On imagine la pression que les responsables du développement technique ont dû subir.
Le hardware de la Saturn devait être dérivé de celui de la carte arcade Model 1. Finalement, le processeur N60 est remplacé par deux processeurs SH2. Le choix de deux processeurs permet de baisser les coûts de revient et le temps de développement, puisque les équipes de Sega ont l'habitude de travailler avec ce type d'architecture, les versions arcade d'After Burner ou encore Outrun embarquant deux 68000 travaillant de paire.
Reste que si les équipes de Sega savent manier ce genre de chose, dans l'absolu, une telle technologie est très difficile d'accès. Les deux processeurs fonctionnent ensemble, mais sous le joug d'un maître et d'un esclave. De plus, les deux n'utilisent pas une mémoire centrale partagée. Faute de temps, le kit de développement n'est pas assez précis sur ce point, et les plus mauvais des développeurs proposeront ainsi des jeux qui ne fonctionnent qu'avec un seul des deux processeurs !

La boîte de la Saturn française.
La boîte de la Saturn française.

Mars 1994 marque l'arrivée des premiers prototypes. Les annonces vont bon train, et la communauté est assez étonnée de voir l'annonce de non pas une mais deux consoles. La 32X fait figure de machine de transition, tandis que la Saturn est fièrement annoncée comme plus puissante que la carte d'arcade principale utilisée par Sega, la Model 1.
Le CES de Las Vegas qui se déroule dans l'été ne se passe pas selon les estimations de Sega. D'un côté Nintendo marque les joueurs avec un Donkey Kong Country qui repousse la Super Nintendo dans ses plus beaux retranchements. De l'autre côté, Sony présente des jeux bien plus impressionnants que sur Saturn, avec des capacités 3D très bien mises en avant. De plus, Sony crée un effet de mode autour de sa console, alors que Sega reste dans les chemins classiques des gamers. Le monde des jeux vidéo est en train de toucher de plein fouet le grand public, et c'est visiblement Sony qui l'a le mieux compris, au grand regret de Sega qui ne saura pas s'adapter.
Annoncée pour Septembre, la Saturn arrivera avec un peu de retard le 22 décembre 1994 au japon, pour un prix de 44 800 yens. Malgré ce prix élevé d'approximativement 490 euros, la machine se vend très bien. En plus des 120 000 pré-réservations, les files d'attente se font très longues devant les magasins, écoulant les 250 000 consoles fabriquées en seulement deux jours.

La Playstation ne sort que le 29 décembre. Ces quelques jours coûteront cher à Sony. Vu le prix des consoles, les joueurs ne peuvent pas se permettre de prendre les deux. Le public nippon étant très impatient, il se tourne sans problème du côté de la première venue. La Playstation mettra six mois pour remonter au niveau de la Saturn en terme de quantités vendues.
Il convient toutefois de nuancer ce propos. Sega fonctionne en terme de consoles vendues aux magasins. Nombreux sont les tenanciers de magasins qui affirment que plus de Playstation que de Saturn sortent de leur boutique chaque jour.
Cela n'est pas non plus très étonnant. Si la Saturn dispose d'une killer app avec Virtua Fighter, la Playstation en propose plusieurs avec entre autre Ridge Racer ou encore King's Field.
Pour élargir son rayon de clients potentiel, Sega dote sa console d'accessoires divers et variés, avec un module karaoké ou encore un module FMV. En fin de vie de la console, on trouvera même un clavier, une souris et un lecteur de disquettes pour transformer sa console en petit micro-ordinateur. Un modem fait même son apparition, offrant à certains jeux la possibilité de jouer en ligne. Seul Virtua Fighter Remix permet de jouer contre un adversaire à distance, mais les bases de ce qui sera popularisé par la Dreamcast sont bel et bien présentes.
N'ayant pas les compétences dans ces domaines, Sega va demander de l'aide à des prestataires externe. En échange, ces derniers auront le droit de commercialiser des Saturn sous leur marque. On trouve donc des Saturn Victor (une filiale de JVC), les V-Saturn, qui sont totalement identiques aux modèles Sega. Seule la couleur et le logo changent. Le 1er avril 1995 sort une édition beaucoup plus intéressante : la HiSaturn, de Hitachi. Cette dernière change de forme, avec un look aux arrêtes plus vives, et surtout un module FMV intégré, faisant de ce modèle le grand luxe de la gamme.

Les boites des jeux, avec leur carton si fragile.
Les boites des jeux, avec leur carton si fragile.

Après la sortie japonaise, il faut penser au reste du monde. L'annonce se fait à l'E3 (de son nouveau nom, ce n'est plus le CES) de mai 1995. Sega prend les devants et annonce que son produit sera vendu 399 dollars. Vingt jeux seront présents pour la sortie. Avec ce prix qui contredit toutes les estimations – qui la voyaient bien plus chère – Sega pense avoir marqué un point.
Sony lui coupera une fois de plus l'herbe sous le pied en annonçant sa Playstation à cent dollars de moins. C'est le début de la fin pour Sega qui ne peut pas se permettre de baisser le prix de sa console.
Les consommateurs préfèrent donc une console moins chère et proposant plus de jeux. Longtemps, la Saturn s'est traîné la réputation d'être moins puissante qu'une Playstation, surtout en 3D. Cela est totalement faux, et est dû au kit de développement pas assez abouti et à l'architecture trop compliquée de la console. Quand Radiant Silvergun, un shoot'em up de folie – pour beaucoup un des meilleurs shoots du monde – sort en 1998 après la mort de la console, il est démontré que même en 3D la Saturn est capable de tout exploser.
Pourtant, le cross plate-forme n'est jamais en sa faveur. Il n'y a qu'à voir Tomb Raider ou encore Resident Evil pour s'en convaincre : les versions Playstation sont bien plus esthétiques. Pour finir ce funeste tableau, la Satun ayant dû revoir plusieurs fois ses objectifs, elle n'est finalement pas capable d'afficher des transparences, obligeant les développeurs à utiliser un tramé du plus mauvais effet.

En Europe, la Saturn sort deux mois avant la Playstation, en juillet 1995, et connaît exactement les mêmes problèmes qu'aux Etats-Unis. Entre une console de Sony à 2099 francs et une console de Sega à 3 399 francs, le choix est rapidement effectué.
La machine va continuer à se battre contre une rivale qui prend de plus en plus de poids, avec quelques passages positifs comme la récupération de beaucoup d'éditeurs qui sévissaient sur PC-Engine, trop déçus par la PCFX, ou encore l'acquisition de la prestigieuse licence Evangelion.
Au Japon, une campagne de pub comme Sega savait si bien les faire va laisser une emprunte indélébile dans le coeur des joueurs. Segata Sanshiro est le héros de ces pubs totalement déjantées où le karateka va jusqu'à casser la gueule des enfants qui vont jouer dehors, pour leur poser une Saturn dessus avant de partir !
Cette campagne annonce la sortie d'une nouvelle version de Saturn, la Shiro (pour blanc en japonais, clin d'oeil au héros de la pub), qui sort le 22 mars 1996. Elle se destine à un public plus jeune.

La Saturn blanche, superbe, disponible uniquement au Japon.
La Saturn blanche, superbe, disponible uniquement au Japon.

En 2000, seuls trois jeux verront le jour sur le sol nippon, la console étant cliniquement morte et enterrée depuis belle lurette dans le reste du monde. Sega, pour la première fois, fait signe d'une grande humilité dans sa dernière publicité mettant en scène Segata. Les ennemis de Sega, dans leur grande tour (on imagine bien que c'est les gens de chez Sony), lancent un missile sur celle de Sega. Segata va détourner l'arme pour partir dans l'espace avec elle. La Saturn est morte, Segata aussi.
Une bien triste fin pour une console qui avait un gros potentiel, mais qui a souffert de son manque d'ouverture auprès du grand public, le monde du jeu vidéo passant d'un loisir de passionnés à un loisir de masse que Sega n'a pas su appréhender.


Night Into Dream, on attendais un Sonic, on a eu un OVNI.
Night Into Dream, on attendais un Sonic, on a eu un OVNI.


Sonic R, une sorte de Mario Kart assez décevant.
Sonic R, une sorte de Mario Kart assez décevant.


Virtua Fighter Kids, excellent.
Virtua Fighter Kids, excellent.

Sega Saturn côté technique

Microprocesseur : 2 Hitachi SH2 7604 à 28,6 Mhz (RISC 32 bits)
Mémoire vive : 1 Mo de SRAM + 1 Mo de DRAM supplémentaire
Mémoire morte : 2 Mo
Vidéo : 320x244 à 720x448 points en 16 millions de couleurs
Son : 32 canaux PCMet 8 canaux FM (Motorola 68EC000 + DSP Yamaha FH1)
Prix d'origine : 3 390 Frs