Il y en a encore qui pensent que les jeux vidéo ont débuté avec la NES ou l'Atari 2600 ? Cette rubrique est faite pour eux. Première mission, la genèse : d'un jeu d'ingénieurs un peu fous, on passe rapidement à un monde beaucoup trop basé sur l'argent. Et la Lumière fut.

Commençons aujourd'hui, comme le veut la logique, par les origines des jeux vidéo, une période assez sombre que peu de monde connaît. Vous excuserez donc certaines imprécisions concernant certains passages, car dénicher des informations concernant cette époque n'est pas chose aisée.



Dixième art . Nombreux sont ceux qui pensent que c'est Atari et son leader, Nolan Bushnell, qui ont inventé le jeu vidéo. Toutefois, il n'en est rien, comme nous allons le voir dans une poignée de lignes. Il a été très difficile de trouver qui exactement avait eu l'idée de génie d'utiliser un ordinateur pour jouer. D'après nos sources, le premier représentant de dixième art remonterait à 1958, et serait un certain William Higinbotham. Ce physicien, durant ses heures perdues, créa un jeu qui s'inspirait du tennis sur une machine composée de tubes à vide ! Eh oui, même pas des transistors, bien qu'ils existaient déjà, crées en 1947 par le Bell Labs. On n'en sait pas beaucoup plus sur cette machine et son inventeur, mais on peut désormais le considérer comme le père des jeux vidéo !



Petits délires . Vient ensuite le mythique Space Wars. Tout commence au tout début des années 1960. Steve Russell, un étudiant du M.I.T. (un établissement de technologie du Massachussetts), crée un soft sur l'ordinateur de l'école, un Digital PDP-1. Le but était de contrôler deux avions - un pour chaque joueur - répondant aux noms de Wedge et Needle, et de se tirer dessus pour dégommer l'autre. Pour corser le tout, le jeu reprenait les caractéristiques de l'espace, avec le soleil représenté au milieu de l'écran qui attirait les vaisseaux. Un autre étudiant ira même jusqu'à modifier le champ d'astéroïdes en fond du jeu pour le rendre encore plus proche de la réalité ! Le jeu n'avait pas beaucoup d'avenir, selon son créateur, qui pensait, à juste titre certainement, que sur des machines à 120.000 $ (équivalent à la bagatelle de 840.000 FF !!!) il n'était pas possible de vendre ce genre de petits délires. Il ne fit donc rien pour protéger son œuvre, si bien que les techniciens de Digital n'hésitèrent pas à l'offrir systématiquement sur chaque nouveau calculateur qu'ils installaient chez leurs nouveaux clients ! Une bien belle récompense pour cet étudiant ! Pour ceux qui voudraient maîtriser un peu mieux le sujet, afin de briller en société, sachez qu'on le trouve assez aisément sur la Vectrex de MB, une console sortie en 1983. Il y a de ça 18 ans.



Grand public . L'homme qui a vraiment mis le feu aux poudres n'est cependant pas Russel, mais Ralf Bear. Travaillant pour Sanders Associates, une société militaire basée à New Hampshire en 1966, le projet de créer une console permettant aux soldats de développer leurs réflexes lui fut confié. Incroyable mais vrai : c'est donc l'armée qui a popularisé le jeu vidéo ! Les prototypes présentés par Bear ne correspondaient pas à ce que demandait l'armée. Cette dernière était très exigeante : elle voulait une machine portable, et très proche de la réalité en terme de rendu. Or, à cette époque, les ordinateurs tenaient difficilement dans une pièce et ne proposaient que des bips et des lignes en noir sur du blanc (voire du jaune ou du vert, selon l'écran utilisé). Bear ne baissa néanmoins pas les bras et se prit à l'idée de commercialiser ses créations auprès du grand public, beaucoup moins exigeant. Il fallait trouver un jeu simple à jouer, et le tennis sembla tout indiqué. La première entreprise à être informée de ce projet fut bien entendu Sanders Associates, mais elle ne se révéla pas intéressée par cette machine. Ce fut Magnavox, une boîte d'électronique, assez connue pour ses téléviseurs, qui commercialisera l'Odyssée, en 1972. La console ne connaîtra pas le succès escompté, principalement parce que les gens pensaient que la machine ne fonctionnait qu'avec les téléviseurs de la marque !



Naissance d'un mythe . Celui qui finalement a bel et bien fait exploser le jeu vidéo, c'est Nolan Bushnell. Dès 1962, il était accro au Space Wars de Steve Russell, auquel il jouait dans son université, à Utah. Il entreprit même d'en faire une version arcade, en vue de revoir le coût à la baisse. En effet, le prix des ordinateurs avait chuté à l'époque, mais ils restaient horriblement cher. Pas question donc d'utiliser de tels monstres. Il fallait créer une machine de toutes pièces, programmée purement et simplement pour le jeu. C'est ainsi que naquit le Computer Space. La machine fut prête en 1971, et vendue à Nutting Associates, qui engagea au passage Bushnell sur divers projets scientifiques ainsi que sur le lancement de son jeu. Hélas l'échec fut rentissant et seules 500 à 1.500 machines furent vendues. Nutting ne croyant plus en les projets de Bushnell, ce dernier décida de créer sa propre société. D'abord nommée Syzygy, la firme fut rebaptisée Atari pour des raisons de droits. Un nom désormais culte. Il fallait alors retravailler et simplifier sa copie, Computer Space s'étant révélé trop compliqué. Ce fut cependant à nouveau le tennis qui fut choisi. La machine fut réalisée par Al Alcorn, appuyé bien entendu par Bushnell qui travailla principalement au niveau du jeu. Le prototype fut placé dans un bar californien, à Sunnyvale : le Andy Capp's Tavern. Deux semaines plus tard, le patron du bar appelle Alcorn en catastrophe : la machine était en rade ! Sur place il se rendit compte que le monnayeur était tellement plein qu'il ne pouvait plus absorber une seule pièce ! Un mythe était né. On faisait la queue dans le bar pour jouer à ce jeu au principe si simple. Devant le succès de la machine, Bushnell tenta de vendre son projet à de grosses sociétés comme Midway, alors spécialisée dans les jeux de cafés (billards et flippers). Mais le futur géniteur de la série des Mortal Kombat déclina l'offre, ne croyant pas à ce nouveau genre de loisirs ! Alors ce qui devait arriver arriva : Bear traîna Atari en procès pour violation de ses brevets. Bushnell ne pouvait rien contredire, les témoins l'ayant vu lors de la présentation officielle de l'Odyssée pour le salon de Burlingame ne manquant pas à l'appel. Atari dût donc payer la somme de 700.000$ à Magnavox. La première bataille juridique de l'histoire des jeux vidéos venait d'avoir lieu. On en verra encore beaucoup d'autres.



Clonage en masse . Au cours de l'année 1973, 8 à 10.000 unités furent créées. Le succès fut colossal pour l'époque. Un nouveau genre de divertissement était né. Certains collaborateurs de Bushnell lui revendront leurs parts d'Atari, sous l'ampleur de la vague. Bushnell, pour tenter de réguler l'importance de la concurrence, crée Kee Games, plus tard rebaptisée Joe Keenan, qui lui permit de mettre un peu la pression sur ses employés. Parallèlement, Atari travaillait sur une version salon de son jeu, qui sortira en 1974. C'est là que commença le clonage en masse de la console. Sears, une chaîne de magasins de jeux, commandèrent 150.000 consoles pour noël 1975, estampillées du logo Sears Tele-Games. La première grosse vente d'Atari pour ses consoles Pong. Cependant, des sociétés comme Coleco, avec sa Telstar Arcade, réussirent à grignoter quelques parts de marché.



Plus le temps passait et plus la concurrence devenait rude. Il fallait trouver autre chose pour relancer la machine. Les ingénieurs d'Atari demandaient plusieurs mois avant de pouvoir proposer un prototype fonctionnel d'un nouveau jeu. Bushnell, jugeant le délai bien trop long, lança alors un appel auprès de ses employés : c'était à celui qui proposerait un prototype le plus rapidement possible. Un jeune homme du nom de Steve Jobs déclara pouvoir en fournir un en trois jours. Personne n'y croyait mais Bushnell lui laissa carte blanche. Celui qui créera plus tard Apple travailla donc 72H non-stop, aidé de son meilleur ami, Steve Wozniak, Woz, un génie de l'électronique. Et il réussi son pari : la borne fut pondue en très peu de temps. En échange, Jobs le laissait passer des heures sur les bornes d'Atari ! Le jeu présenté était une variante plus poussée du tennis, qui deviendra l'éternel casse-briques : Breakout. Mais quand Jobs dut expliquer comment fonctionnait sa machine, il en fut presque totalement incapable, car il ne l'avait pas créée lui-même ! La machine fut donc retravaillée par le labo d'Atari, ce qui lui fit perdre un peu de temps. Petite anecdote marrante : il faut aussi savoir que le jeu dut aussi être retouché. Par exemple, lorsque l'on perdait la balle, on voyait s'afficher un "Oh merde !" du plus bel effet. Cet essai, ainsi que d'autres comme Night Driver, le premier jeu de course avec un volant, ne suffirent pas. Une autre console, la Fairchild Channel F, proposait un principe révolutionnaire : pouvoir changer de jeu par l'intermédiaire de cartouches ...



Image mythique . Vous le savez certainement tous, Infogrames a récemment racheté Hasbro, et avec ce dernier les droits d'Atari. Ou plutôt de ce qu'il en reste : un titre et une image mythique. La firme au tatou compte utiliser l'image d'Atari pour ses meilleurs jeux, lors de leurs lancements américains, Infogrames ayant du mal à percer au pays de l'oncle Sam. Bonne ou mauvaise nouvelle ? D'un côté c'est excellent de faire revivre une légende. De l'autre ce ne sont plus que cinq lettres posées côte à côte ... On se souvient du rachat de Goupil ou de Tulip, deux gros pontes de la micro compatible IBM PC française du début des années 1980, qui n'ont pas réussi à renaître de leurs cendres. Infogrames mise gros, et peut-être un peu trop, sur la notoriété de la marque. Une solution de facilité ? Bruno Bonnel n'a plus à prouver son expérience. On peut donc lui faire confiance.