Christian Riochet nous compte ses débuts dans le monde de la Micro Informatique, avec un grand nom de l'époque : Amstrad, mais à cette époque, il n'est pas aussi facile que ça de se mettre à l'info !

Par Chrtistian Riochet.

C'était vers la fin des années 70.

Internet, l'ordinateur et moi.

En bon parisien, je marchais Boulevard Sébastopol, le nez au vent , l'oeil sur les putes du coin (s'en est encore bourré...) et je révassais tout juste à ma condition d'être humain.
Depuis quelques mois revenait un refrain: "L'ordinateur".
Etant de nature plutôt curieuse, je tendais l'oreille et riais! Les ordinateurs maintenant... Ce qu'ils vont pas chercher! Pourquoi pas aller sur la Lune? Il faut dire que depuis 68, c'était fait par les américains.
De plus je savais -car je sais ces genres de choses- qu'IBM avait équipé Hitler en ordi (cartes perforées) pour gérer les camps de concentration et l'extermination industrielle des Juifs et autres communistes, pédérastes et tziganes.
Car les Juifs ne sont arrivés avec IBM qu'après 43 et la conférence de Wanze sur la solution finale... Bref, me dis-je alors:"L'ordinateur!" Et pourquoi pas internet?
Il faut dire que j'avais des copains aux Arts et Métiers qui travaillaient avec ces trucs modernes et étranges.
Une fois, je passais voir l'un d'eux et le vis taper sur son clavier et attendre, en regardant l'écran. Je lui dis: "Que fais-tu?"
Il me répondit: "Je demande à un collégue à Los Angeles s'il a l'édition de 1878 de Darwin"
Je me suis assis calmement et je lui ai dit: "Pardon? Tu fais quoi?"
Il m'a dit: "Attend... Il l'a."
Je me suis levé, je me suis calmé et je lui ai dit: "Qu'est ce que tu viens de faire?"
Il m'a dit: "Je viens de demander à un copain à Los Angeles s'il avait un livre et il vient de me répondre qu'il l'a."
Internet venait de naitre sous mes yeux.
Il a fallu que j'attende la fin des années 90 pour voir internet naitre pour le grand public.

25 ans se sont donc écoulés.
C'est pourquoi, vers 1975-76 par là, je pensais aux ordis en me baladant sur le Boulevard Sébastopol à Paris. Un magazin me saute au visage avec sa vitrine tapageuse: AMSTRAD POUR 1768F (du genre, je ne souviens pas du slogan exact).
Amstrad? Je ne savais pas ce que c'était.
Je regarde: un ordi dit donc!
je rentre, j'achéte, je pars, je me retrouve chez moi. J'ai un ordi, je suis moderne.

Boisgonthier et moi

Je suis fier, je suis content, je suis moderne et je suis dans la merde.
Je n'y connais RIEN.
Je suis le petit mode d'emploi, je branche trois fils, je connecte le clavier, je branche l'électricité et j'ai une petite télé, les mecs!
Géant.
Je mets une disquette, je tape selon le mode d'emploi et ... Rien.
Là, je commence à avoir peur pour mon pognon.
Les trucs modernes, c'est géant, mais faudrait voir à voir.
C'est quoi ce machin?

J'ai passé deux-trois jours, en vain.
J'avais une petite télé, mais rien d'autre que de la neige. Ca commençait à faire et à bien faire. Je ressors de ma taniére et je fonce chez un libraire spécialisé sur les trucs moderne.
Librairie Dunod. Je ressors avec un livre, du style: "Comment bien utiliser son Amstrad", par Jacques Boisgonthier.
Super.
Je rentre chez moi, j'allume ma petite télé et trois heures plus tard, le bouquin traverse la piéce et s'écrase contre le mur. Le chat fout le camp et je suis sûr d'avoir perdu du pognon. Je me calme et je me dis:"T'es un pro des méninges, t'es un cador, va mec, appelle Boisgonthier".
Deux jours après, je vois arriver un type grand, maigre, à vélo, avec des pinces à linge qui tenaient les bas de ses pantalons et qui me dit: "C'est vous Riochet? Où est l'Amstrad?"
Il m'a expliqué et j'ai compris.
J'ai travaillé 9 ans avec cette machine.
Elle est tombée deux ou trois fois de mon bureau, je l'ai remise en place et elle marchait. Je suis entré dedans et elle ne m'a jamais trahie. Je suis parvenu à des prouesses techniques avec ce truc de traitement de texte de merde à la con.
Je ne vous parlerais pas technique.
Amstrad n'existe plus et je ne vais pas révéler des trucs, astuces et secrets qui n'appartiennent qu'à Boisgonthier et moi. Mais je voulais raconter pour Obsoléte cette anecdote vécue, qui montre les déboires et les bonheurs d'un vieux con qui toucha son premier Amstrad à la fin des années 70 et qui en garde un souvenir ému et jaloux.
Merci Nicolas Gilles de permettre la revivance d'un passé qui n'est pas obsoléte.

EPILOGUE: JE ME LE SUIS FAIT PIQUER

Je l'aimais beaucoup, mon Amstrad.
Un soir, je rentre chez moi, la porte est ouverte, le chat n'est pas là, mon coeur bave à la poupe : j'ai été cambriolé ! Le poste de radio-réveil, le Polaroïd, partis, la télé 3 chaines noir et blanc est là, le vase de ma grand-mére... L'AMSTRAD !
Je fonce.
Ils avaient piqué l'Amstrad.
C'est comme ça qu'il a disparu. Comment voulez-vous qu'ils s'en servent? Mon Amstrad est impénétrable et ils n'arriveront jamais à savoir même que Boigonthier existe. Mon Amtrad a dû mourrir dans un coin de merde, puisque c'était pas une télé nouvelle génération.

Je ne l'ai jamais oublié.
Et je suis sûr que lui non plus ne m'a pas oublié.